Arrivée du Joueur de Flûte au Village Kokoyashi

Hikaru arriva au village Kokoyashi dans sa petite barque, qui, soit dit en passant, lui semblait de plus en plus étroite, et accosta un peu à l’écart des habitations, sur une petite plage de sable fin. Il tira son embarcation de façon à la mettre hors d’atteinte des flots en cas de tempête, vérifia qu’elle ne glisserait pas, et alla s’asseoir sous un arbre. Hoshizora n’était pas visible, car il lui avait pris l’envie, peu avant que la terre ne soit en vue, de partir voleter ici et là, et personne ne pouvait savoir quand il reviendrait. Mais Hikaru savait que, de toute façon, il reviendrait. Depuis leur rencontre à l’Ilo del Sol, ils étaient devenus grands amis, et cette compagnie plaisait au joueur de flûte, car après qu’il eut quitté sa ville natale de Twilight Town, il n’avait cessé d’être seul, et cela avait commencé à lui peser. La présence du faucon le rassurait, car la force et l’intelligence de ce rapace était peu commune. Hoshizora était une des exceptions de la Nature. Entre lui et Hikaru, c’était comme entre deux humains : ils se parlaient et discutaient, mais pas en paroles (les faucons, c’est bien connu, ne parlent pas), ni même en pensée (la télépathie était une science qu’aucun des deux ne maîtrisait, en supposant que quelqu’un dans le monde la maîtrisait). Non, ils parlaient en regards, et cela était aussi clair pour eux que s’ils avaient parlé la plus précis des langues. Il suffisait qu’ils se regardent dans les yeux, d’un côté bleus azur et profond d’Hikaru, et de l’autre dorés et beaux de Hoshizora. Il ne leur était même pas nécessaire de froncer les sourcils de telle ou telle façon, non, même en restant impassibles, ils se comprenaient. Ils arrivaient même à faire des jeux de mots, et riaient souvent, bruyamment pour Hikaru, intérieurement pour Hoshizora. D’ailleurs, ils n’avaient fait que ça durant tout le trajet qui les avait conduit de l’Ilo del Sol, dans West Blue, au Village Kokoyashi, dans East Blue. Et maintenant, le musicien soufflait dans sa flûte l’air qui, soudain, lui avait traversé l’esprit.

Tout en jouant, Hikaru pensait à la légendaire navigatrice Nami, qui avait grandit dans ce village, avec sa demi-sœur et sa mère adoptive (jusqu’à la mort de celle-ci). Il songea aussi quelle force de caractère cette jeune femme devait avoir pour trahir en apparence sa patrie, et tous ceux qu’elle aimait. Bon sang, elle n’avait pas dû être tout le temps heureuse, celle-là. Hikaru, parfois, s’identifiait un peu à elle, car lui aussi avait perdu celui qu’il aimait le plus, son maître de musique, et lui aussi avait, en revenant chez lui, vaincu le tyran qui oppressait sa ville, puis avait quitté ses presque-frères. Là aussi, il admirait le courage de cette femme incroyable, comme tous les membres du Mugiwara, d’ailleurs. Quel équipage formidable. Le seigneur des pirates, le plus grand sabreur, la meilleure navigatrice, le menteur le plus inventif (bon, ça, c’est pas très glorieux), un charpentier de génie, le cuisinier le plus doué, la seule femme capable de déchiffrer les ponéglyphes, et un médecin-boule-de-poils (ça aussi, c’est à discuter). Le meilleur équipage du monde. Hikaru rêvait d’être dans un équipage comme celui-là. Il savait qu’il n’y avait que peu de chance qu’il en fut, mais c’était un point important dans sa quête de la gloire en tant que grand pirate. Il n’avait pas encore de prime, mais ça n’allait pas tarder, il le sentait.

Puis il pensa à l’homme qui le traquait, l’ancien chef de la Bande de Giza, cette organisation de casseurs de primes plus ou moins honnêtes qu’il avait éradiqué dans la ville de Slash Town. A cette pensée, sa musique devint plus sombre. Qui savait de quoi était capable cet homme ? Jusqu’alors, il n’avait envoyé qu’un petit groupe de voleurs minables, mais maintenant qu’il connaissait la force d’Hikaru, il enverrait des guerriers plus forts, et plus déterminés, car mieux payés. Ah, la la, c’était bête. Il était poursuivit, mais pas par la Marine, comme il le voulait. Vraiment stupide. Enfin bon, il fallait faire avec. Il se débrouillerait pour trouver cet individu, et il le liquiderait. Ah, zut, c’est vrai, il ne connaissait même pas son nom, ni même la tête qu’il avait. Ca posait un problème. Oh, et puis zut, il y réfléchirait plus tard. La flemme. Il s’arrêta de jouer et rangea sa flûte. Puis il observa le paysage qui l’entourait. A droite, une petite forêt. A gauche, il pouvait apercevoir le village. Et soudain, il sentit le sol vibrer très légèrement, et un énorme bruit de pierre brisée se fit entendre. Une maison venait de s’effondrer. Une grande maison. Entièrement construite en pierre. Mais ce genre de maison était très solide. Ca ne s’écroule pas sans raisons. Hikaru, utilisant alors les pouvoirs de son Fruit du Démon, accentua sa sensibilité aux vibrations de l’air. Et, à l’endroit de l’écroulement, l’air vibrait d’une façon qui ne laissait pas de doutes possibles : on se battait, et avec rage, semblait-il. Mais le musicien décela autre chose : l’air avait une tension qu’il n’avait normalement que les jours d’orage, beaucoup plus faiblement, de façon à ce que seul Hikaru pouvait le déceler, mais l’air était électrique. Bizarre. Le Joueur de Flûte se leva et s’étira. Si on se battait, ce n’était pas son problème. Mais il voulait savoir pourquoi l’air était si bizarre. Il se mit donc en route pour le village.